Il aura donc fallu attendre 13 longues années pour enfin découvrir la suite des aventures d’Alan Wake ! L’excellent survival-horror de Remedy Entertainment avait su me convaincre lors de sa sortie sur Xbox 360, grâce notamment à son scénario alambiqué riche en suspens. Pour cette suite, le réalisateur et scénariste Sam Lake est allé encore plus loin pour nous offrir un jeu vidéo narratif de haut vol.
L’écrivain victime de tous les maux
Si vous avez regardé les trailers du jeu, vous savez sans doute que cette suite n’offre pas un mais bien deux personnages jouables. D’un côté on retrouve donc Alan Wake, notre écrivain plus torturé que jamais, et de l’autre on découvre Saga Anderson, agent du FBI. Cette dernière est envoyée à Bright Falls avec son collègue Casey pour enquêter sur la mystérieuse « Secte de l’arbre », à l’origine de plusieurs meurtres particulièrement violents. Les membres de celle-ci pratiquent des rituels morbides et étranges, et semblent étonnamment liés à Alan. “Étonnamment” car Alan Wake a disparu il y a 13 ans et nombreux sont ceux qui le pensaient mort. Voilà les bases d’une histoire très complexe qui va mettre votre cerveau en ébullition. Car ce second opus brouille encore plus les pistes entre le réel et l’imaginaire. Le joueur est amené à se questionner en permanence et n’y voit “un peu” plus clair qu’à la fin.
Pendant la vingtaine d’heures nécessaire pour voir le bout de l’intrigue, on peut switcher à sa guise entre Alan et Saga. En effet bien que les deux aventures s’entremêlent, il est possible de les faire dans l’ordre de son choix. Une idée plutôt rare dans le jeu vidéo mais qui fonctionne. Du côté d’Alan, on arpente les rues sombres d’un simili New York qui n’est autre que l’antre noir. Notre écrivain cherche évidemment à sortir de ce lieu tout en faisant le maximum pour sauver sa femme Alice. Avec Saga, on mène l’enquête à Bright Falls et ses environs en découvrant des événements paranormaux de plus en plus étonnants. J’ai personnellement préféré la partie de Saga, avec son ambiance de thriller dans une petite ville isolée. Comme pour le premier volet, l’inspiration de Twin Peaks est encore une fois évidente. Les personnages rencontrés sont particulièrement étranges, pour ne pas dire fous. Les chapitres avec Alan sont quant à eux plus perchés que jamais !
Ce second opus brouille encore plus les pistes entre le réel et l’imaginaire.
Alan Wake II intègre en effet de nombreuses scènes filmées, avec de vrais acteurs, au sein même du jeu. Et ce côté transmedia marche vraiment bien, ajoutant un peu plus de folie à un titre qui n’en manque déjà pas. Je n’irai pas plus loin pour ne pas vous spoiler mais sachez en tout cas que, malgré quelques longueurs, vous ne serez pas déçu par la narration, surtout si vous avez joué à Alan Wake premier du nom et à Control, les deux étant désormais intimement liés.
Une atmosphère démentielle
Si cette suite parvient à nous immerger dans son univers malsain où la réalité est en permanence remise en question, c’est aussi parce que Remedy Entertainment a fait un travail d’orfèvre sur l’atmosphère. Oui, Alan Wake II est magnifique. Le souci du détail est impressionnant. Les lieux dégagent une ambiance souvent oppressante et mystérieuse. Les éclairages sont remarquablement bien gérés. On sent bien que le titre a été pensé exclusivement pour cette génération et c’est tant mieux. Globalement les textures sont de haut vol, la végétation est dense et les personnages sont superbement modélisés. Les visages dans les séquences pré-calculées sont particulièrement réussis et, si vous jouez en anglais, l’immersion sera totale grâce à des doublages de qualité et une synchronisation labiale au poil. Lors des phases de jeu, les visages sont légèrement décevants (un peu lisses et moins bien animés) mais rien qui ne vienne gâcher le ressenti next-gen.
Remedy Entertainment a fait un travail d’orfèvre sur l’atmosphère. Oui, Alan Wake II est magnifique.
Évidemment pour instaurer une ambiance, le son est presque aussi important que l’image. Là aussi Alan Wake 2 réussit son coup. Ce ne sont pas vraiment les discrets thèmes musicaux qui contribuent mais bien le sound design au sens large. Le bruit du vent dans les arbres, les branches qui craquent, la pluie qui rebondit sur les carrosseries des voitures, les bruits de pas des ennemis qui vous entourent dans la pénombre… Tout contribue à l’ambiance. Cette dernière n’est pas aussi horrifique que l’on pourrait penser. En tant que personne n’aimant en général ni les jeux ni les films d’horreur, j’avais d’ailleurs un peu “peur »que cette suite prennent un tournant plus épouvante. Mais finalement elle reste relativement sage. D’ailleurs Remedy a intégré des “jump scare” du pauvre avec des images de visages troubles qui pop assez régulièrement pour tenter de vous faire sursauter. Dans les faits ça n’a quasiment jamais marché sur moi et j’ai surtout trouvé cela un peu inutile. Alan Wake 2 est plus un jeu d’ambiance, un peu stressant mais rarement terrifiant. On est loin d’un Silent Hill ou même des récents remakes de Resident Evil par exemple.
Un gameplay lumineux ?
Manette en main, cette suite est également très solide. Le gameplay est relativement classique mais vraiment efficace. Il emprunte d’ailleurs à d’autres jeux du genre et notamment Resident Evil avec son système d’inventaire sous la forme d’une grille d’items réorganisable ou encore ses boîtes à chaussures permettant de stocker des objets et de les retrouver d’une salle de repos à une autre.
La progression avec Saga se déroule dans les environs de Bright Falls dans des zones que l’on peut qualifier de semi-ouvertes, même si le chemin reste relativement dirigiste. On peut en tout cas flâner à gauche à droite pour trouver des caches d’objets de la secte, d’étranges lunchbox contenant des fragments de manuscrits permettant d’améliorer ses armes, ou bien encore des énigmes sous la forme de comptines. Dans ces dernières il s’agit de placer des poupées sur des dessins au sol afin de reconstituer l’histoire narrée par la comptine. À côté de toutes ces petites distractions, Saga mène surtout l’enquête et doute de plus en plus de ce qu’elle voit. Pour récapituler tout ce qu’elle sait, Remedy Entertainment a intégré un “palais mental”. Ce dernier prend la forme d’une grande pièce où le joueur peut entre autres profiler les différents personnages mais aussi placer sur un mur toutes les preuves et les relier entre elles. Si vous aimez les enquêtes policières à la TV, vous ne serez pas dépaysé ! Du côté des séquences d’action, Saga est confrontée à des possédés et des membres de la secte qui peuvent être particulièrement rapides. Le principe fondamental de la série reste le même : une lutte perpétuelle entre ombre et lumière. Il s’agit donc encore une fois d’éclairer ses ennemis à l’aide de la lampe-torche (dont les piles fondent bien vites) pour les rendre vulnérables et les abattre à l’aide d’une arme à feu ou de l’arbalète. Le gameplay fonctionne bien et je n’ai pas ressenti de lassitude pendant ma vingtaine d’heures de jeu.
Le principe fondamental de la série reste le même : une lutte perpétuelle entre ombre et lumière.
Du côté d’Alan, l’action est un peu moins présente mais les combats reprennent globalement le même fonctionnement. Les chapitres dans la peau de l’écrivain demandent davantage de réflexion car ils introduisent différents concepts et énigmes un peu plus complexes. D’abord, Alan est capable de capturer la lumière de certaines ampoules (un spot, un lampadaire…) et cela provoque une altération de l’environnement. Il faut donc régulièrement prendre la lumière à un endroit et la remettre à un autre pour progresser. Par exemple, vous pouvez avoir une porte fermée dans une réalité, mais une porte ouverte dans l’autre. Si le mécanisme semble simple initialement, il faut parfois réaliser des combinaisons dans un ordre spécifique pour avancer. Des casses-têtes logiques et surmontables mais il faudra se creuser les méninges. L’autre concept, c’est la vision d’une histoire sur différents plans. En tant qu’écrivain, Alan est capable d’écrire les scènes d’un chapitre de différents points de vue. Et vous allez donc devoir progresser en alternant régulièrement les scènes et les points de vue. Ce n’est pas forcément simple à expliquer facilement à l’écrit, mais sachez en tout cas qu’il s’agit d’une bonne idée assez novatrice. Même si au début du jeu je dois admettre que j’avais des doutes, notamment lors d’une séquence dans le métro où j’ai multiplié les aller-retour ! Que ce soit dans la peau de l’écrivain ou de l’agent du FBI, le jeu est donc intéressant à jouer, avec une alternance entre phases d’action et phases d’énigmes/enquêtes bien dosée.